Cabinet pour cabinets d'inspiration shaker

Bonjour à tous,

N’ayant que peu de temps à passer à l’atelier en ce moment, et qui plus est par courtes périodes, je suis forcé de remettre à plus tard quelques projets. Mais comme ça me travaille si je ne bricole pas quelque chose, je me détends quand même en réalisant un petit meuble sans prétentions : le cabinet pour cabinets d’inspiration shaker (ah oui pardon, sans prétention on appelle ça un placard à PQ).

Autre élément du projet, qui n’est même pas à strictement parler un cabinet, je le réalise entièrement en chutes qui encombrent mon atelier mais que je n’ai pas le cœur de bruler. Les dimensions du meuble sont donc fonction des chutes. Il sera majoritairement en western red cedar (Thuya plicata), des chutes planches dont sont faites mes portes d’atelier et des chutes de bardage. Ecore une fois c’est du bois magnifique au fil bien serré, rien que par respect pour l’arbre qui a donné ça je me dois de ne pas gaspiller ces chutes. Le fond, par contre, sera en pin de Monterey (Pinus radiata) une espèce rare dans la nature mais qui a servi massivement en plantation en Australie et Nouvelle Zélande principalement à cause de sa croissance rapide (les cernes annuelles peuvent faire plus d’un centimètre). Ceux qui ont suivi le fil du biplan de Pili savent à quoi s’en tenir concernant ce genre de résineux à fil très grossier, ça ne vaut pas grand-chose du tout.

Bon, la référence au mobilier shaker dans le titre concerne l’esthétique générale ainsi que le mode de construction inspiré des meubles utilitaires que ces gens ont laisse (je tire mon inspiration de l’excellent bouquin ‘Pleasant Hill Shaker Furniture’ de Kerry Pierce).

D’abord, les chutes en question, dont le bardage de section triangulaire !


Première opération, corroyage à la scie à ruban et à la rabot-dégau. Ce sera le seul travail à la machine, le travail à la main me permettant de travailler en partie la nuit sans gêner les voisins. La carcasse du meuble sera en WRC de  17mm d’épaisseur, les étagères en 15mm. Les morceaux de pin de 19mm d’épaisseur ont été refendus et rabotés à 6mm.


A l’origine mes planches de WRC étaient à rainure languette, j’ai fait sauter cette dernière ainsi que la moitie de la rainure ce qui m’a donné la feuillure dans laquelle prendra place le fond.


J’ai ensuite passé un coup de rabot sur toutes les pièces pour enlever les traces de rabot-dégau. Pour ça j’utilise ici deux rabots, un d’abord réglé pour un copeau de finition grossier puis un réglé pour un copeau très fin. C’est une méthode de travail que je trouve efficace, j’ai plusieurs rabots en bois que je  règle pour un copeau d’épaisseur différente  et au lieu de régler l’épaisseur du copeau sur un seul, ce qui prend un peu de temps parfois, je change de rabot. Economiquement ça tient aussi la route vu que mes deux rabots d’occasion et un fait maison m’ont couté moins du quinzième de mon Lie Nielsen (celui là je le garde quand même mais plutôt pour des bois durs ou à fil irrégulier pour lesquels il est excellent).




Les étagères sont coupées à la bonne longueur puis recalées pour des extrémités parfaites.


Je passe ensuite aux assemblages, de simples embrèvements plein. Le challenge ici est de faire du travail propre avec un bois très tendre, qui marque facilement.
Après traçage une  joue de l’embrèvement est d’abord réalisée à la scie.


Le rebut est dégagé en biais au ciseau.


Cela dégage la joue contre laquelle on peut ensuite placer l’étagère pour tracer l’autre joue.


La deuxième joue est alors réalisée à la scie.


L’embrèvement est termine au ciseau comme précédemment, puis le triangle au fond est enlevé au paring chisel (ciseau long ?) avant un fignolage à la guimbarde (avec un fer en V).






Essai.


Si c’est un peu juste je fignole l’embrèvement grâce à une de mes récentes acquisitions, un side rebate plane (acheté d’occas en France mais dont j’ignore le nom en français, si un spécialiste passe par là et peut m’éclairer…).


La fixation au mur se fera à l’aide de vis qui traverseront une barre à l’arrière du meuble qui sera calée sous l’étagère du haut. Cette barre, en eucalyptus très dur, est une chute de plancher récupérée dans une benne donc elle a bien sa place dans ce meuble !
Je marque la longueur.


Puis je trace son emplacement sur les côtés.


J’enlève le rebut au ciseau …et voilà.






Un dernier coup de rabot de finition.


Puis une couche très fine d’huile de lin diluée de térébenthine suivi d’une fine couche de cire sur toutes les parties internes.




Le haut et le bas reçoivent deux feuillures de 1mm de profondeur pour aider leur positionnement pendant l’assemblage. Elles permettent aussi d’enlever l’huile et la cire pour permettre le collage.


Ces pièces sont ensuite percées…


… pour recevoir des pointes en biais. Pas exactement de la haute couture mais bigrement efficace.


Finalement, collage et clouage.



A bientôt pour la suite

Cordialement

Bonjour

Superbe, travail soigné et dans les règles de l'art.

Amicalement
chado

Bonjour Jov

Toujours du bel ouvrage réaliser à la main
j'ai hate de voir la suite et ce petit meuble fini
je reste baba devant une telle dextérité
et en même temps j'apprend beaucoup sur le travail à la main
tellement ton fil est bien expliquer

Slt Jov,

En débutant, j'avais l'envie d'utiliser principalement des outils à main. Mais j'ai vite été séduit par l'utilisation des machines (même si elles ont le vilain défaut de faire beaucoup de bruit). Aussi, ça m'impressionne de voir ton travail.
Hâte de voir la suite.

A+

Bonjour, toujours ravi de voir ce type de réalisation, sommes toutes assez simples mais pleines d'enseignements.

Et puis le cercle des boiseux manuels s'agrandit et c'est une excellente chose.

Par contre, je comprend parfaitement le corroyage à la machine, je suis vite en nage quand je corroie une planche à la main (ce que je fait de temps en temps car la flemme de dégager tout le bazar pour sortir la degau !)

@+

bonjour JoV, et bonne année à toi et à tous les australiens, dingos, kangourous et wombats compris, sans oublier les ornithorynques, koalas, bilbys, etc etc. N'oublions pas non plus requin et crocodiles marins, pour qui un bon début d'année serait de becqueter un de nos contemporains maladroitement égaré sur une plage déserte.
En passant, tu peux aussi aller dire bonjour à ma cousine, la 3ième rue à droite. Comme vous vivez les uns sur les autres, tu n'auras pas de mal à trouver.
Pas d'affolement, elle a 80 ans.

Ca nous fait très plaisir de te revoir, tu te fais beaucoup trop rare.

Petite question :



quel est ce rabot ? un Veritas à angle de coupe biaise ?

Continue à nous montrer tes réalisations de haut vol, dans des essences que nous ne somme pas prêts d'avoir. Quoiqu'avec le réchauffement climatique. Il y a un eucalyptus chez mon voisin, en haut de mon allée.

Un beau commencement d'une belle réalisation, peut être "simple" comme dit plus haut mais de très bon gout!
Enfin du travail à la main! Merci

Sinon le side rebate plane est pour moi un rabot de coté.

Bonjour et bonne années à tous.

Le red cedar vaut mieux que son statut de  bois de construction et la charpente: bien mis en oeuvre et bien fini,  il donne des meubles légers, de bel aspect (et de bonne odeur), solides et  durables. Ses  qualités mécaniques sont  bonnes pour un bois de faible densité. Mais évidemment cette  faible densité  va  de pair avec une faible dureté, et nécessite beaucoup d'attention et de savoir faire pour produire un resultat de qualité.
Je me rappelle  avoir lu ce propos très juste  d'un  vieil ébéniste  lyonnais et expert érudit  : le jour où tu vois des queues d'arondes parfaites exécutées dans un bois tendre, ce jour là tu as vu l'oeuvre d'un maître.

Jov, j'approuve ton éthique de récupération, de  respect de la nature, de travail à la main , je partage ton gout du mobilier shaker, simple élégant et fonctionnel et j'admire la qualité de ton travail.

JoV, est ce un "Dutch tool chest" qui se trouve au fond de ton atelier, de couleur bleu?

Excellentissime Jov!

Bonne année à toi et meilleurs voeux pour 2016!

Fred...

Rebonjour,

Merci à tous pour vos commentaires et bonne année aussi en fait, que le fil soit avec vous pour reprendre l’expression.

Tvtorre moi aussi après avoir débuté avec des outils à main j’ai été séduit par des machines (électro portatif plutôt) mais j’ai eu la chance de devoir tout laisser sur place lors d’un changement de continent et d’avoir dû repartir à zéro avec quelques outils manuels anciens mais de qualité trouvés aux puces locales.
Tout à fait d’accord avec Meles, rien de tel que de refendre des poutres à l’égoïne avant de les reprendre à la varlope pour apprécier la rabot dégau et la scie à ruban. Et puis je préfère passer le temps que font gagner les machines à faire des assemblages à la main.

Oui Sangten, c’est le skew block plane de chez Veritas, très efficace en travers du fil. Pour ce qui est de ta cousine… bon je la laisse pour le noël des crocos, par contre si tu as le numéro de sa petite fille…

Dillinger, rabot de côté… ça me va, je ne dit pas mieux. Oui c’est ma version de la Dutch tool chest en bleu au fond. La partie basse comprend quatre tiroirs et deux portes contrairement à la façade amovible.

Vincent 91, en effet le western red cedar est un bois que j’apprécie beaucoup, par la subtilité et la délicatesse qu’il oblige à avoir pour le mettre en œuvre. Je réserve encore mes plus belles chutes, sciées parfaitement sur quartier, pour faire des fonds de tiroirs à l’odeur superbe.

Cordialement

JoV a écrit:Dillinger, rabot de côté… ça me va, je ne dit pas mieux. Oui c’est ma version de la Dutch tool chest en bleu au fond. La partie basse comprend quatre tiroirs et deux portes contrairement à la façade amovible.

JoV
aurais tu déjà mis des photos de ton "Tool chest" sur le forum? Sinon si tu veux bien prendre le temps

Bonjour à tous,

Dillinger, je ferai quelques photos de ma caisse à outils… peut être même que ça me motivera à y faire les emplacements pour mes scies, ce qui traine depuis fort longtemps…

La suite… Une fois la colle sèche j’affleure l’avant des étagères, qui étaient un poil larges, avec les côtès.


Je passe ensuite à l’arrière du meuble, en planchettes de pin d’épaisseur 6mm. Chaque planchette est coupée en longueur et recalée, puis reçoit deux feuillures au dessus sur un bord, en dessous sur l’autre, là encore réalisées au Stanley78.






Les planchettes sont ensuite clouées en place dans la feuillure à l’arrière du meuble. Une orientation verticale aurait été préférable pour ces pièces, car le mouvement du panneau arrière (perpendiculaire au sens du fil) aurait été bien moindre sur une trentaine de cm que sur 120cm comme c’est le cas ici. Mais la longueur de mes chutes étant ce qu’elle est… c’est la seule solution. Pour compenser et éviter la formation de plis en chevron (vu le nombre de géologues qui trainent sur le forum je me permets l’analogie) je laisse un espace entre chaque planchette lors du clouage. Pour ce faire je coince un réglet, soit environ 1mm d’épaisseur, entre chaque planchette.


Voilà ce que ça donne.


Plus qu’une porte et quelques moulures.

A bientôt pour la suite
Cordialement.

Bonjour,
c'est toujours un plaisir de lire tes postes. Je suis fan du travail à la main, reposant et silencieux une vraie thérapie zen.
Vivement la suite.
Cyrille

C'est vraiment réussi.

C'est vrai que pour les fonds de placard ou de tiroir en massifs, on peut disposer le fil du bois dans le sens de la longueur. Mais la disposition transversale est preferable sur le plan structurel et tu as pris les bonnes precautions pour accomoder le mouvement du bois (je crois que c'est une pur anglicisme, mais bon, s'il y a un équivalent français qui ne soit pas l'usuel jargon laid et incompréhensible , je suis preneur)

Avec son bois massif bien choisi, ses assemblages soignés et sa simplicité élégante cette etagère est plus respectueuse du vrai style shaker que beaucoup d'imitations modernes qui en arborent les "pegs" et les boutons de porte caracteristiques.

Bravo!

Ave
Le concept- "shaker" est vraiment un truc qui permet de retrouver ses racines.
La beauté nait de la fonctionnalité, et c'est l'essence du design d'ailleurs.
L'axiome inverse me plait bien aussi, si ça sert à rien c'est laid

Bonjour à tous,

Cette fois je passe à la réalisation de la porte. Elle sera relativement frêle puisque qu’elle ne fait que 17mm d’épaisseur, les rainures tenons et mortaises font 6,35 de largeur (1/4 de pouce).

Première étape, le traçage des mortaises sur les deux montants à la fois, puis des tenons sur les trois traverses.




Je rainure ensuite les montants avec mon Stanley 45…


…avant de creuser les mortaises au bédane. La profondeur totale de celles-ci (feuillure comprise) et un peu plus de 40mm (qui sera la longueur des tenons).


Les voilà terminées :


Je scie ensuite les tenons à la scie à tenons (original tiens !). La méthode que j’utilise consiste à scier sur deux faces à la fois, c'est-à-dire que la traverse est mise en biais dans la presse de manière à commencer à scier sur un coin en ayant une bonne vision des lignes de traçage. Quand on a scié une diagonale on retourne la pièce dans la presse et on finit de scier le long de la ligne que l’on ne pouvait pas voir. Quand cette diagonale est terminée on met la pièce verticale et on termine de scier jusqu'à l’arasement. Ça parait peut être un peu long et inutile au premier abord (en tout cas c’est ce que je me suis dit la première fois que je l’ai lu) mais c’est en fait très rapide et permet des sciages précis.






Ensuite les arasements sont sciés.


Et on obtient ça, brut de scie. On voit quelques défauts, en fait j’arrive rarement à sortir un tenon parfait à la scie, ils sont généralement légèrement trop épais et nécessitent un petit coup de rabot ou de guimbarde, mais ça n’est pas très long à faire.


Je réalise ensuite les feuillures sur les traverses.


Voilà ce que ça donne assemblé :


Je sélectionne ensuite le bois pour mes panneaux.


A la varlope je commence par réaliser l’assemblage à plat joint des deux pièces, puis je scie les deux autres côtés à la largeur voulue, parallèle à la ligne d’assemblage.


Un coup de rabot pour enlever des traces de rabot dégau quand soudain…. Argh ! Une cerne près du cœur de l’arbre part entière. Heureusement j’ai stoppé le rabot avant de l’arracher, un peu de colle devrait régler l’affaire.


Après ça je trouve plus prudent de continuer au racloir.


Collage. J’ai enduit une chute de mdf de cire et je m’en suis servi pour plaquer le copeau arraché.


Lorsque j’enlève le mdf le lendemain :


Et après un coup de racloir… il faut vraiment savoir pour le voir.


L’arrière des panneaux sont raclés au rabot à racler, sans chercher à avoir un état de surface aussi absolument parfait.


Une petite feuillure est ensuite réalisée tout autour du panneau pour passer de 7mm à 6.35mm. Il faut commencer par travailler en travers du fil puis les passes dans le sens du fil feront disparaitre les éventuelles fibres arrachées sur les bords. L’épaisseur du panneau est contrôlée au compas d’épaisseur.




Montage à blanc :


Finalement un petit chanfrein (2mm environ, mais en pratique j’ai fait trois passes) est réalisé à la vastringue sur les montants  et les traverses autour des panneaux (il faut faire gaffe à éviter les zones à l’aplomb des mortaises sur les montants sinon ça donne un look de meuble Ikea !).


Enfin collage, à la colle de poisson car il faisait 30 ˚C dans l’atelier et la Titebond tire trop vite à cette température même pour un assemblage simple comme celui-ci. Les panneaux ont été cirés avant collage pour éviter à des zones non cirées d’apparaitre si jamais le panneau se rétracte en séchant un jour.


Apres séchage les cornes sont sciées et les désaffleurs éventuels sont rectifies au rabot.




Voila où on en est, vous remarquerez que la porte est un peu courte.



A bientôt pour la suite,

Cordialement.

Bonjour JoV (je devrais dire: bon après midi !)
C'est toujours aussi plaisant à suivre et à lire.
Merci pour ce beau reportage.

Bonjour,
Vraiment superbe, autant l'esthétique du meuble que la façon de procéder...
Bien cordialement,
FredM

bonjour

Sacré JoV !
Tu nous fais des étagères trop grandes ou des portes trop petites ! Tu vas faire quoi, hein ? couper l'étagère ou rallonger la porte ?
Ca sent l'embrouille tout ça.
Je reste attentif.

Ton WRC (non, pas championnat du monde des rallyes) western red cedar, ressemble à ce que j'achète sous le nom de cèdre, qui est aussi un bois assez tendre et très odorant, que j'aime bien utiliser pour faire des armoires, d'atelier, ou pour mettre les fringues.
En tout cas, j'adore ta façon de travailler. Respect.

Il a l'air vraiment sympa ce petit rabot à angle oblique Veritas.

Et oui, Alain.
Une case ouverte en haut et une autre en bas.
Les autres fermées.

Très instructif JoV,
Tu nous pousses à aller voir les occases !!!

++ Renaud

Good job!! J'aime!

hello JOV

j'interviens pour te dire que tu as la bonne façon de réaliser les tenons
c'est comme cela que j'ai appris a les réaliser quand jetait mino
il n'y as que la scie qui est différente ma scie as tenon est a cadre et non a dos.
petite question ayant ce genre de chose a faire pour mon atelier
a quoi vas servir ton cabinet enfin je veux dire que vas tu y ranger?

JoV a écrit:je me détends quand même en réalisant un petit meuble sans prétentions : le cabinet pour cabinets d’inspiration shaker (ah oui pardon, sans prétention on appelle ça un placard à PQ).

(°I=)

hello

merci